L’Autre comme moi

Il se réveilla une heure plus tard. Il n’avait pas rêvé, aucun cauchemar terrible ne lui avait bouleversé le cerveau, il n’avait pas gesticulé pour se défendre du monstre gélatineux qui s’était agrippé à son visage, il ouvrit seulement les yeux et pensa, Il y a quelqu’un dans la maison. Lentement, sans précipitation, il s’assit sur le lit et resta aux aguets.

Dans une ville sans nom de cinq millions d’habitants, Tertuliano Maximo Afonso souffre de dépression. Presque quadragénaire, divorcé sans enfant, estimé et discret professeur d’histoire, il entretient une relation au devenir incertain avec  Maria Da Paz, jolie employée de banque sincèrement éprise de lui. Il traine une existence atone et velléitaire.

Un jour, pour le distraire, un collègue de mathématiques lui propose de louer un film, une comédie légère qui date un peu, Qui cherche trouve. Sans aucun intérêt prétend Tertuliano à qui elle n’arrache qu’un vague éclat de rire. Jusqu’à ce qu’il se réveille la nuit suivante, proie d’un étrange pressentiment, visionne à nouveau le film et se reconnaisse, trait pour trait, intonation pour intonation, dans un acteur jouant le rôle d’un comparse.

Sa vie se polarise alors sur la recherche avide et anxieuse de ce  double parfait, quête qui modifie profondément ses relations à lui-même et à son entourage réel ou social puisque le bon sens est un véritable personnage du livre qui apparait plusieurs fois inopinément afin de lui donner quelques conseils sur le comportement à adopter dans cette épineuse affaire.

Il trouvera le nom, dénichera l’adresse et le numéro de téléphone de cette réplique de lui-même. Les deux hommes se rencontreront, pourront vérifier leur parfaite identité, décideront de se séparer, de retourner à leurs vies antérieures où l’ignorance de l’existence de l’autre était source de bienheureuse sérénité. En vain. L’acteur exploite perversement cette similitude, le professeur d’histoire surenchérit. L’amour d’une femme découvre la supercherie et le drame se consume.

Le thème du bouleversement d’une vie par la découverte de l’existence d’un parfait sosie et la réflexion sur l’identité qu’il engendre est certes intéressant. La familière acuité de l’auteur compose assurément quelques perles : « Le chaos est un ordre à déchiffrer » ou « On dit que seul celui qui se hait lui-même hait son prochain, mais la pire des haines doit être celle qui pousse à ne pas supporter la similitude de l’autre,  et probablement cela serait pire si cette similitude était absolue« , par exemple. Mais… mais cette fois la prose abondante de José Saramago tourne au filandreux. La lectrice avale des quantités astronomiques de mots, enchainement oppressant dans des pages dépourvues d’alinéas et même de phrases,  ingurgitation suffocante sans parvenir à saisir l’os du propos. Tant et si bien qu’elle finit par avoir l’impression de s’infliger un indigeste (c’est peut-être la période de l’année qui veut ça) verbiage, sans réels fondements. De se noyer, cette fois et seulement cette fois en ce qui concerne cet auteur, dans une mare d’eau stagnante.

José Saramago, O Homem Duplicado, Editorial Caminho, 2002, 318 pages

José Saramago, L’uomo duplicato, trad. R. Desti, Feltrinelli, 2010, 270 pages

José Saramago, L’Autre comme moi, trad. G. Leibrich, Point Seuil, 2006, 347 pages

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