Archives de Tag: José Saramago

L’Autre comme moi

Il se réveilla une heure plus tard. Il n’avait pas rêvé, aucun cauchemar terrible ne lui avait bouleversé le cerveau, il n’avait pas gesticulé pour se défendre du monstre gélatineux qui s’était agrippé à son visage, il ouvrit seulement les yeux et pensa, Il y a quelqu’un dans la maison. Lentement, sans précipitation, il s’assit sur le lit et resta aux aguets.

Dans une ville sans nom de cinq millions d’habitants, Tertuliano Maximo Afonso souffre de dépression. Presque quadragénaire, divorcé sans enfant, estimé et discret professeur d’histoire, il entretient une relation au devenir incertain avec  Maria Da Paz, jolie employée de banque sincèrement éprise de lui. Il traine une existence atone et velléitaire. Lire la suite

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L’année de la mort de Ricardo Reis

Ricardo Reis fait un geste des mains, tâte l’air gris puis, distinguant à peine les mots qu’il trace sur la feuille, il écrit, Aux dieux je demande seulement qu’ils me concèdent de ne rien leur demander, et cela écrit il ne  sait quoi dire d’autre, il y a des moments ainsi, nous croyons à l’importance de ce que nous avons dit et écrit jusque là, uniquement parce qu’il n’a pas été possible de faire taire les sons ou d’effacer les traits, mais pénètre dans notre corps la tentation du silence, la fascination de l’immobilité, rester comme les dieux, muets et tranquilles, spectateurs.

Décembre 1935. Ricardo Reis, hétéronyme de Fernando Pessoa, accoste à Lisbonne. Lire la suite

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Manuel de peinture et de calligraphie

J’ai là les deux portraits, sur deux chevalets différents, chacun dans sa pièce, le premier naturellement offert à la vue de qui entre, le second enferme dans le secret de ma tentative frustrée, et ces feuilles de papiers sont une autre tentative, dont je me saisis à mains nues, sans couleurs ni pinceaux, seul avec ma calligraphie, avec ce fil noir qui s’enroule et se déroule, qui ensuite ralentit entre points et virgules, qui reprend son souffle dans quelques petites clairières blanches pour avancer ensuite, sinueux, comme s’il parcourrait le labyrinthe crétois ou les viscères de S …

Manuel de peinture et de calligraphie est un journal intime. Lire la suite

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Don Juan

Madamina, il catalogo è questo
Delle belle che amò il padron mio;

Prologue : Ma petite dame, ceci est le catalogue des belles qu’aima mon maitre. Leporello montre à Elvire le registre qu’il tient des conquêtes de son maitre, 2065. Elle est l’une d’elles, parmi tant d’autres. Elle jure de se venger. Ainsi s’ouvre le Don Giovanni de José Saramago, sur l’air écrit par Lorenzo Da Ponte, en langue originale. Lire la suite

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Les intermittences de la mort

La femme était devant lui, elle lui disait Ne me fuyez pas, je suis seulement venue pour vous remercier du plaisir et de l’émotion que j’ai eus à vous entendre,

C’est l’histoire d’une fille, la mort, mort sans majuscule parce qu’elle juste la mort d’une catégorie limitée : les humains d’un petit royaume géographiquement  indéfini.

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Essai sur la lucidité

« Chers concitoyens, dit-il, le résultat des élections qui se sont aujourd’hui déroulées dans la capitale est le suivant : parti de droite, huit pour cent ; parti du centre, huit pour cent ; parti de gauche, un pour cent, abstentions zéro, bulletins nuls, zéro, bulletins blancs, quatre-vingt-trois pour cent. »

Sans heurt, avec un calme parfait, sans que rien dans les conversations captées ça et là par les micros espions de la police ne laisse transparaître quoi que ce soit d’extraordinaire,  les habitants de la capitale (une allusion brève est faite au Portugal, mais la localisation exacte est résolument secondaire dans ce livre) glissent presque tous un bulletin blanc dans l’urne. Lire la suite

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Voyage au Portugal

« Ce n’est pas vrai. Le voyage ne finit jamais. Ce sont les voyageurs qui finissent. Et eux aussi peuvent se prolonger en mémoire, en souvenir, en récit. Quand le voyageur s’est assis sur la plage et a dit : « Il n’y a plus rien à voir », il savait que ce n’était pas vrai. La fin d’un voyage est seulement le début d’un autre. Lire la suite

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La Caverne

« Vous avez raison, le secret des secrets n’existe pas, mais nous le connaissons. »

Affirmation péremptoire, assurance sans fondement, incohérente, mais aplomb parfait dans lequel le pouvoir de quelques-uns puise son origine.

Dans ce roman publié en 2 000 sous le titre A Caverna, José Saramago nous narre la lente asphyxie d’un homme, proie d’une tentaculaire et très kafkaïenne structure commerciale, omniprésente, omnipotente, nommée le « Centre ». Lire la suite

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L’aveuglement

Une déglutition un peu crispée. Elle se répète, souvent, au fil de la lecture des pages…

Un jour, alors qu’il regarde un simple feu rouge, un homme devient aveugle. Sans que ses yeux ne laissent apparaître la moindre lésion. Plus tard, à peine plus tard, l’homme qui lui a volé sa voiture après l’avoir ramené chez lui, proie d’une angoisse sourde et tarabusté par sa conscience, est à son tour frappé de cécité. L’ophtalmologue qui a reçu celui qui s’appellera désormais le premier aveugle, la jeune femme de mœurs légères qui  attendait pour recevoir le traitement de sa conjonctivite, un garçonnet louchon patient du médecin sont les victimes suivantes de ce qui s’annonce dès lors comme une épidémie. Fulgurante, inexplicable. Et incurable. Lire la suite

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